Citizen Karnage

[English version below]

La malédiction de l’appartement infernal, épisode 2 : pas grand chose niveau news du front, on attend que le propriétaire porte plainte contre la logeuse malhonnête.
Une anecdote tout de même : un matin, je me rends à la police pour porter plainte. Alors que j’explique ma situation à l’agent de police au guichet, ça s’agite dehors : quelqu’un tente d’échapper à des policiers. Je n’ai pas assisté au début de la scène donc je ne peux émettre que des hypothèses, mais le fautif m’a plus l’air d’être un SDF apathique qu’un terroriste ultra-armé. Le policier du guichet se précipite pour aider ses collègues, et voilà donc pas moins de 6 agents pour immobiliser un SDF. De retour au guichet, il me fait comprendre que je ne vais pas pouvoir déposer plainte et que seul le propriétaire peut le faire. On vit dans un monde formidable, ma bonne dame.

Mais le gros événement de la semaine, c’est sans conteste le fameux tournage de Citizen Kane dont je vous ai déjà parlé.
Deux jours avant le tournage, on n’a toujours pas d’acteurs et ça commence sérieusement a m’inquiéter (j’ai d’ailleurs l’impression d’être le seul de l’équipe de tournage a m’en soucier ; il faut dire que les autres tournages à venir accaparent également notre temps et nos pensées). Les autres étudiants de l’école (promotions précédentes + étudiants de l’école d’acteurs qui partage les locaux avec nous) sont tous trop occupés pour nous aider. Finalement, avec le réalisateur du matin et la réalisatrice de l’après-midi, on finit par trouver une combine : le réalisateur du matin jouera tous les rôles ! Le rendu risque d’être un peu psychédélique, mais il sait jouer, il est confiant et on a de toute façon pas trop le choix.

Le Samedi tant attendu arrive, tout le monde est sur le pied de guerre à 8h du matin à l’école. La tension est palpable.
Pour rappel, nos rôles diffèrent entre le matin et l’après-midi. Je suis premier assistant-réalisateur pour cette première demie-journée, ce qui veut dire en gros que je suis censé être au four et au moulin : vérifier auprès de tous les membres de l’équipe (réalisateur, caméra, son, …) si il n’y a pas de problème avant et après le tournage d’une prise et se débrouiller pour qu’on soit dans les temps niveau chrono. En gros, je suis Rambo parachuté en mission-suicide en territoire hautement miné.

Avant même le début officiel du tournage, un membre de l’équipe me demande : « C’est quoi mon rôle ? « .
Je suis consterné. Ça fait deux semaines qu’on les connait, les rôles. Ça commence bien.
Tout le monde n’est pas aussi « candide » heureusement, mais un seul membre avec un tel état d’esprit et de préparation peut vous plomber un tournage.

Sans compter que nous sommes tous débutants pour la plupart. Si la motivation et l’implication ne sont pas présentes, on va pas aller loin.

La première demi-heure du tournage ressemble à un enfer : personne ne m’écoute, presque tout le monde panique dans son coin, il nous manque du matériel alors qu’on était censés avoir tout réservé comme il faut la veille (une caméra sans batterie, c’est un peu inutile…), …

Avec l’aide d’un professeur nous supervisant, on se reprend petit a petit. On a quand même de la chance sur plusieurs points :

  • on a bien préparé notre liste de plans en amont, et elle est réaliste (on doit en filmer 7)
  • le réalisateur-acteur conserve son sang-froid et n’oublie que rarement ses lignes de texte
  • enfin, le directeur de la photographie a l’idée de gérer nos 2 prises de vues les plus compliquées en simultané : pendant qu’une partie de l’équipe filme le plan caméra à l’épaule (c’est lourd, lent et faut pas trop trembler pour avoir un résultat acceptable), un autre groupe prépare le plan « Dolly » en montant l’engin et ses rails.

C’est ce qui nous sauve au final, car on est au final pile dans les temps.

Je pensais que le matin était l’enfer.
Je me trompais.

L’après-midi est Armageddon puissance quinze.

On perd VINGT-CINQ minutes au début parce que notre clappeur… ne sait pas lire correctement son clap (« Scène X plan Y prise Z »).
Par ailleurs, la liste de plans n’a pas été pleinement préparée avant le tournage et notre directeur de la photographie de l’après-midi est… un énergumène (pour info, c’est le gars qui m’a demande le matin : « c’est quoi mon rôle ? »). Et vu que je suis 1er assistant caméra sur cette partie, c’est donc mon supérieur direct. Youpi.

A la fin de la journée, tout le monde est lessivé mais heureux d’avoir fini. On décide d’arroser ça comme il se doit.

Et le lendemain, Jour du Seigneur, … je suis à nouveau à l’école à 8h du matin.
Pas de repos pour les braves.
Mission repérage pour l’un des 2 films qu’on est censés tourner à la fin du mois/début Octobre.

Oui, car trouver des lieux de tournage adéquats – que ce soit en intérieur ou en extérieur – est une part très importante de la phase de pré-production : en gros, il faut que le lieu convienne à la vision du réalisateur, soit relativement facile d’accès et qu’on ait l’autorisation d’y tourner. Si il y a des contraintes spéciales à prendre en compte (par exemple : une maison super jolie mais avec un réseau électrique pourri pas capable de supporter l’énergie nécessaire pour tout notre équipement), c’est au moment du repérage qu’on doit vérifier tout ça.

Au bout de quarante minutes de voiture, nous voilà donc à Curl Curl Beach, ce qui me permet d’enfin mettre des images dans cet article très verbeux 😛

Le film en projet s’appelle The Painting in the spyglass (Le Tableau dans la longue-vue) et la scène d’introduction a lieu sur une plage. J’aurai sans doute l’occasion d’en reparler vu les défis techniques multiples que pose ce type de lieu.

L’équipe de reconnaissance est constituée de la réalisatrice, du directeur de la photographie, de la chef décoratrice et de ma pomme (1er assistant caméra).

Environ deux semaines plus tard, on a sous les yeux le résultat de notre tournage Citizen Kane. Entre rigolade, fierté et honte, on remarque alors toutes les erreurs qu’on a laissées passer (par exemple, le reflet d’un membre de l’équipe dans une fenêtre). Etrangemment, le rendu du tournage de l’après-midi semble meilleur que celui du matin.

La magie du cinéma, qu’ils disent…


[ENGLISH VERSION HERE]

The curse of the infernal flat, episode 2: no real news from the front, we wait for the owner to report against the dishonest landlady.
An anecdote still: one morning, I go to the police to report. As I explain my situation to the policeman at the counter, it goes crazy outside: someone attempts to escape from policemen. I didn’t see the start of the scene so I can only emit hypotheses, but the offending seems to me to be more an apathic homeless guy than an ultra-weaponized terrorist. The policeman from the counter runs to help his colleagues, and so are no less than 6 agents to immobilise one homeless man. Back to the counter, the policeman makes me understand that I won’t be able to report and that only the owner will be able to do so. We live in a wonderful world, my dear.

But the big event of this week is without contest the famous shooting of Citizen Kane I already told you about.
Two days before shooting, we still don’t have any actors and this seriously starts to worry me (I have the feeling to be the only person in the crew to worry about that, in fact; I must stay the other incoming shootings take a lot of our time and thoughts as well). The other school students (previous classes + actor school students who share the place with us) all too busy to help us. Eventually, with both the morning director and the afternoon director, we end up finding a trick: the morning director will play all the roles! The result might be a little psychedelic, but he can act, he is confident and we don’t have that much choice anyway.

The long-awaited Saturday comes, everyone is on the battlefield at 8am at school. Tension is in the air.
As a reminder, our roles change between morning and afternoon. I am first assistant director for the first half-day, which roughly means to I’m supposed to be everywhere at the same time: check with the crew members (director, camera, sound, …) if there is no problem before and after filming a take and manage the time in order for us not to be late. In short, I am Rambo parachuted for a suicide mission in highly mined territory.

Before even the proper start of the shooting, a crew member comes to me and ask: « What is my role? ».
I am dismayed. It has been two weeks already that we know the roles. Good start.
Everyone is fortunately not as « candid », but one only member with this kind of mind and preparation state can screw your shooting.

Without even mentioning that most of us are beginners. If motivation and implication are not there, we won’t go far.

The shooting first half-hour looks like inferno: no one listens to me, nearly everyone panics in its corner, there is missing equipment although we thought having booked everything as it should the day before (a camera without battery is a little useless…), …

With the help of a supervising teacher, we recover step by step. We nonetheless are lucky on several points:

  • we prepared well our shot list upstream, and it’s realistic (we have to shoot 7)
  • the director-actor keeps his self-control and forgets only a few times his lines of text
  • at last, the director of photography has the idea to manage our 2 most complicated shots simultaneously: as a part of the crew shoots the handheld camera shot (it’s heavy, slow and you better don’t shake too much to have an acceptable result), another group prepare the « Dolly » shot, assembling the beast and its tracks.

It’s what saves us at the end, because when we finish right on schedule.

I thought morning was inferno.
I was so wrong.

Afternoon is Armageddon times fifteen.

We lose TWENTY-FIVE minutes at the beginning because our clapper… don’t know how to read properly his clap (« Scene X shot Y take Z »).
Besides that, the shot list was not fully prepared before shooting and our director of photography for the afternoon is… an energumen (for the record, it’s the dude who asked me that morning: « what is my role ? »). And since I am 1st assistant camera on this part, he is thus my direct superior. Yihaa.

At the end of the day, everyone is drained but happy to have finished. We decide to celebrate that as it should.

And the next day, Day of the Lord, … I am once again at school at 8am.
No rest for the braves.
Spotting mission for one of the 2 films we are supposed to shoot at the end of the month/early October.

Because finding adequate shooting locations – be it indoor or outdoor – is a very important part of the pre-production phase: in short, the location has to fit the director’s vision, must be relatively easy to access and we must get the permission to shoot there. If there is any special constraint to consider (for example: a very beautiful house with a very bad electric network not able to support the needed energy for all of our equipment), it’s during location reconnaissance that we have to check all of this.

After forty minutes of driving, we arrive at Curl Curl Beach, which at last allows me to put pictures in this very verbose article 😛

The film in development is named The Painting in the spyglass and the introduction scene takes place on a beach. I certainly will will have the occasion to talk again about it, considering the multiple technical challenges brought by this kind of place.

The reconnaissance team is consisting of the director, the director of photography, the production designer and my face (1er assistant camera).

Nearly two weeks later, our eyes can discover the result of our Citizen Kane shooting. Between laughs, pride and shame, we notice all the errors we let slip (for example, a crew member reflection in a window). Strangely, the afternoon shooting render seems better than the morning one.

The magic of cinema, as they say…

 

2 Responses to “Citizen Karnage”

  1. Le PD de Gardois dit :

    envoie ton film de merde !

    • Hugo dit :

      On l’a juste tourné, il faut encore le monter 😉 (toute la post-prod quoi)
      Mais j’ai pas accès aux rushes, ça sera le sujet de plusieurs cours de montage dans quelques semaines 🙂